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مُساهمة من طرف ahmed horchani الإثنين يونيو 28, 2010 3:24 pm

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Je me suis quelquefois proposé un doute : savoir s’il est mieux d’être content et gai, en imaginant les biens qu’on possède être plus grands et plus estimables qu’ils ne sont, et ignorant ou ne s’arrêtant pas à considérer ceux qui manquent, que d’avoir plus de considération et de savoir, pour connaître la juste valeur des uns et des autres, et qu’on devienne plus triste. Si je pensais que le souverain bien fût la joie, je ne douterais point qu’on ne dût tâcher de se rendre joyeux, à quelque prix que ce pût être, et j’approuverais la brutalité de ceux qui noient leurs déplaisirs dans le vin ou s’étourdissent avec du pétun. Mais je distingue entre le souverain bien, qui consiste en l’exercice de la vertu, ou (ce qui est le même), en la possession de tous les biens, dont l’acquisition dépend de notre libre-arbitre, et la satisfaction d’esprit qui suit de cette acquisition. C’est pourquoi, voyant que c’est une plus grande perfection de connaître la vérité, encore même qu’elle soit à notre désavantage, que l’ignorer, j’avoue qu’il vaut mieux être moins gai et avoir plus de connaissance. Aussi n’est-ce pas toujours lorsqu’on a le plus de gaieté, qu’on a l’esprit plus satisfait ; au contraire, les grandes joies sont ordinairement mornes et sérieuses, et il n’y a que les médiocres et passagères, qui soient accompagnées du ris. Ainsi je n’approuve point qu’on tâche à se tromper, en se repaissant de fausses imaginations ; car tout le plaisir qui en revient, ne peut toucher que la superficie de l’âme, laquelle sent cependant une amertume intérieure, en s’apercevant qu’ils sont faux.
René Descartes, “Lettre à Elisabeth” du 6 octobre 1645


Ce qui n’est pas exigé du candidat au bac, mais toujours bon à savoir :
Comme on peut le soupçonner par l’en-tête “Madame”, il s’agit d’une lettre adressée par Descartes à la princesse Elisabeth exilée alors en Hollande (après qu’elle ait été chassée de son pays par la guerre de Trente ans). Celle-ci avait lu et annoté l’oeuvre de Descartes, ce qui lui donne l’occasion d’approfondir, d’éclaircir ses pensées. Le texte est écrit à la première personne, ce qui laisse supposer une proximité de pensée avec sa lectrice.
Ce qui est exigé au bac s’appelle problématique et argumentation du texte :
Qu’est-ce qui nous rend heureux ? Il semble exister une alternative que Descartes formule de manière abrupte :Le souverain bien peut-il s’identifier à la joie ou est-il lié à une vie consacrée à la pensée ?
Pour résoudre le problème, l’auteur énonce clairement les trois conditions à observer pour atteindre le bonheur.
- Savoir qu’est-ce qui nous rend malheureux, et combattre ces obstacles à notre bonheur.
- Se débarasser de certains plaisirs qui entravent sa recherche : la vie joyeuse et la gaité
- Existe-t-il une méthode qui nous rendrait véritablement “contents ?” C’est la recherche de laverité
Vocabulaire à expliquer pour relever l’intérêt du texte :
Le “souverain bien” désigne ici le bonheur. Il est généralement assimilé à la vie heureuse comprise comme un but, une finalité à laquelle doivent conduire toutes nos actions. Ce sens fait référence à la philosophie des stoïciens dont Descartes conseille par ailleurs la lecture à Elisabeth (en particulier De vita beata de Sénèque). Tout homme désire ce bonheur, cette” félicité” ou “satisfaction intérieure”, cette “béatitude”. Descartes en fait la fin ultime de la morale, en particulier dans le Discours de la méthode lorsqu’il énonce la troisième maxime de la morale provisoire : nos efforts ont pour but de nous rendre “contents”. Quel est ce “contentement” ? De quoi sommes nous contents ? Beaucoup le confondent avec la joie et la gaité, d’autres l’espèrent dans le plaisir éprouvé à la satisfaction de certains désirs. Descartes veut montrer que le souverain bien ne se confond pas avec la joie : c’est l’enjeu moral de connaissance et de maîtrise de soi.
Etude ordonnée du texte :
1/ Je me suis quelquefois proposé un doute …
Il ne s’agit pas ici du doute méthodique qui est le fil conducteur du Discours de la méthode, même si Descartes nous dit y avoir quelquefois réfléchi. Ce doute est simplement une alternative possible entre deux idées qui s’opposent sans que nous puissions réellement trancher. C’est l’opposition entre “imaginer”/” ignorer” et “concevoir”/”connaître” . Le but est de savoir ce qui nous rend heureux : Vaut-il mieux imaginer, ou vivre “en se repaissant de fausses imaginations” ou bien connaître la vérité, avoir plus de considération et de savoir afin de se juger et de se mesurer aux autres ? Cette alternative correspond respectivement ici à deux notions qu’il faut expliquer : la joie et la tristesse. La joie s’applique ici à des biens ephémères que Descartes dénonce comme les biens c’est-à-dire ce que l’on possède comme biens matériels et extérieurs à nous mêmes. Certains hommes croient posséder plus que d’autres. Mais il y a pire, il s’agit aussi de tous les biens, dont l’acquisition dépend de notre libre-arbitre c’est-à-dire de nos pensées, de nos qualités intérieures, et là aussi certains se croient mieux dotés que d’autres ! Ces hommes s’illusionnent : on sait que “le bon sens est la chose du monde la mieux partagée” et “que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont pas coutume d’en désirer plus qu’ils n’en ont” (Discours de la méthode). Se croire supérieur aux autres est donc une sotte prétention, que ce soit au niveau de l’accumulation des biens matériels comme d’une prétendue supériorité intellectuelle ; de plus on ne ment pas seulement aux autres mais à soi-même, on se nourrit d’illusions.
La difficulté de s’estimer à sa juste valeur comporte cependant le risque qu’on devienne plus triste, comme si les illusions nous berçaient de gaité. Quelle est cette tristesse qui nous envahit lorsque nous nous estimons à notre juste valeur ? Faut-il fuir la tristesse en se laissant aller aux plaisirs qui procurent la joie ? Si je pensais que le souverain bien fût la joie répond Descartes qui écarte aussitôt cette hypothèse. En effet la joie résulte soit d’un contentement facile (les vapeurs du vin ou du tabac), soit d’une “vraie satisfaction d’esprit” . La première façon que cite Descartes de se rendre joyeux correspond à celle des “brutes” qui s’étourdisent dans des plaisirs faciles et éphèmères de joies médiocres et passagères ; ce n’est qu’une gaité superficielle, le fait de ceux qui noient leurs déplaisirs, qui s’illusionnent eux-mêmes en laissant subsister l’ amertume intérieure.
2/ Mais je distingue entre le souverain bien…
Il existe une seconde façon de se rendre joyeux et d’engendrer la satisfaction d’esprit. Descartes distingue cette satisfaction de l’esprit et le souverain bien dans la mesure ou la première suit necessairement le second (qui suit de cette acquisition). Comment expliquer ici le souverain bien et sa conséquence ? Le souverain bien est l’exercice de la vertu en donnant ici au mot son sens latin de virtu, force intérieure, puissance et maîtrise de soi. C’est un exercice et non quelque chose qui nous est donné, elle s’acquiert par des efforts, des répétitions, bref, un apprentissage. Or, ce dernier dépend de notre libre-arbitre affirme Descartes, c’est-à-dire de l’usage que nous faisons de notre liberté. A la manière des stoïciens, il nous est possible de distinguer les choses qui dépendent de nous de celles qui nous sont extérieures. Réaliser par le pouvoir de notre volonté les premières renforce notre liberté dans nos actions et nos pensées : nous agissons conscients et résolus, voilà notre force, voilà la vertu. De cela suit la satisfaction d’esprit.
C’est une plus grande perfection de connaître la vérité la solution du doute est alors explicite, mieux vaut connaître la verité sur soi-même que de s’illusionner en se croyant supérieur et mieux loti que les autres. La recherche de la connaissance de soi est le commencement même de la vertu, la condition de l’usage de la liberté. Il faut alors être conciliant et prêt à accepter une certaine tristesse qui découlerait de la connaissance de nos défauts, notre désavantage, pour pouvoir remplacer une joie médiocre et passagère par un contentement réel et durable. Nous ne sommes pas parfaits mais capable de nous perfectionner par la force de notre esprit. Il en résulte une véritable satisfaction que Descartes nomme grande perfection.
Descartes précise la nature plus profonde de ce “contentement” : le ris (rire) et la gaieté ne sont pas “toujours” un signe de satisfaction intérieure.Rire, ce n’est que passager et sans doute médiocre en comparaison des véritables grandes joies, ordinairement mornes et sérieuses : le sérieux est le signe du contentemen,t ce qui n’est pas contradictoire si l’on sait que ce dernier est fondé sur la réflexion. Le jugement correct que l’on peut avoir sur soi-même n’est pas la frivolité mais la justesse entre la prétention des orgueilleux et la brutalité des ignorants. On pourrait parler d’humilité en toute connaissance de soi-même.
3/ Ainsi je n’approuve point…
Vaut-il mieux être gai en se repaissant de fausses imaginations ? Descartes peut répondre à sa question initiale : Qu’est-ce que le souverain bien ? Ce n’est pas la joie comme ce n’est pas l’absence de tristesse je n’approuve point qu’on tâche à se tromper. Mieux vaut savoir la vérité sur soi-mêmes quitte à en être attristé. Car si l’on surmonte cette tristesse passagère elle laissera place à la joie veritable et durable. Si le souverain bien n’est pas la joie, il se définit par la vertu ; et c’est de la vertu que provient la joie véritable, le contentement intérieur généré par une juste estime de soi. Les plaisirs superficiels sont illusoires, et même faux affirme Descartes, ils nous trompent en nous faisant croire au bonheur alors que la condition de ce dernier est d’acquérir la force necessaire pour surmonter les infortunes qui nous attristent. Nous gagnons alors cette force intérieure qui permet de réaliser nos qualités et, en usant de sa liberté, d’atténuer nos défauts.
Le bonheur ne dépend que de nous, grâce à la liberté de choix que nous avons, liberté de choisir la frivolité des joies passagères ou le contentement surmontant les tristesses que nous procure la connaissance de soi-même.


رابط النص بالفرنسية والاصلاح:

http://lewebpedagogique.com/philo-bac/methodologie/explication-de-texte/corrige-lettre-a-elisabeth-du-6-octobre-1645-descartes


ahmed horchani

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مُساهمة من طرف ahmed horchani الإثنين يونيو 28, 2010 4:21 pm

مواقع اخرى تحتوي اصلاح نص الامتحان :
http://www.dissertationsgratuites.fr/login.php?save_page=%2Fdiss
ertations%2FDescarte-Lettre-A-Elisabeth%2F24768.html

http://www.webzinemaker.com/admi/m7/page.php3?num_web=40906&rubr=4&id=314741


http://www.devoir-de-philosophie.com/commentaire-descartes-lettre-elisabeth-7458.html

اصلاح اخر للنص يوجد على الرابط التالي:
http://www.webzinemaker.com/admi/m7/page.php3?num_web=40906&rubr=4&id=314741


Madame,
Je me suis quelquefois proposé un doute : savoir s'il est mieux d'être content et gai, en imaginant les biens qu'on possède être plus grands et plus estimables qu'ils ne sont, et ignorant ou ne s'arrêtant pas à considérer ceux qui manquent, que d'avoir plus de considération et de savoir, pour connaître la juste valeur des uns et des autres, et qu'on devienne plus triste. Si je pensais que le souverain bien fût la joie, je ne douterais point qu'on ne dût tâcher de se rendre joyeux, à quelque prix que ce pût être, et j'approuverais la brutalité de ceux qui noient leurs déplaisirs dans le vin ou s'étourdissent avec du pétun. Mais je distingue entre le souverain bien, qui consiste en l'exercice de la vertu, ou (ce qui est le même), en la possession de tous les biens, dont l'acquisition dépend de notre libre-arbitre, et la satisfaction d'esprit qui suit de cette acquisition. C'est pourquoi, voyant que c'est une plus grande perfection de connaître la vérité, encore même qu'elle soit à notre désavantage, que l'ignorer, j'avoue qu'il vaut mieux être moins gai et avoir plus de connaissance. Aussi n'est-ce pas toujours lorsqu'on a le plus de gaieté, qu'on a l'esprit plus satisfait ; au contraire, les grandes joies sont ordinairement mornes et sérieuses, et il n'y a que les médiocres et passagères, qui soient accompagnées du ris. Ainsi je n'approuve point qu'on tâche à se tromper, en se repaissant de fausses imaginations ; car tout le plaisir qui en revient, ne peut toucher que la superficie de l'âme, laquelle sent cependant une amertume intérieure, en s'apercevant qu'ils sont faux.


René Descartes, "Lettre à Elisabeth" du 6 octobre 1645



Corrigé

Ce texte est le tout début d'une lettre de Descartes, adressée à la Princesse Elisabeth de Bohème (comme semble (1) le suggérer l'en-tête "Madame"). On sait que l'héritière du trône de Bohème était entrée en correspondance avec Descartes en 1643, après qu'elle ait été chassée de son pays par la guerre de Trente ans et qu'elle se fut exilée en Hollande, où précisément résidait le philosophe. L'échange de lettres se prolongea jusqu'à la mort de Descartes, en 1650 ; il constitue un précieux recueil de pensées touchant les questions de l'union de l'âme et du corps, des passions, du bonheur et de la meilleure voie à suivre pour l'atteindre.

A la Princesse exilée, victime d'un revers du destin, Descartes parle ici du "souverain bien". Dans d'autres lettres, il le nomme aussi "la parfaite félicité", "la satisfaction intérieure", "la plus grande félicité de l'homme", "la souveraine félicité" ou tout simplement "la béatitude" (tout spécialement en référence au De vita beata de Sénèque, dont il conseille à Elisabeth la lecture). Traditionnellement, le "Souverain Bien" désigne la fin dernière de nos actions, et il est assimilé à "la vie heureuse". Il constitue cette fin supérieure à laquelle les actions de la vie des hommes s'efforcent de parvenir (car, aucun homme ne souhaite vivre malheureux). Toute la réflexion morale de Descartes est tournée vers la recherche de ce "souverain bien" et Descartes affirme souvent que le grand dessein de sa morale n'est autre que de se rendre "content" (2). Mais "content" de quoi ? En quoi consiste au juste ce "souverain bien" ? Comment l'atteindre ? Beaucoup le confondent avec la joie et la gaieté, beaucoup demandent au plaisir de le procurer. Aussi Descartes s'interroge-t-il sur le sens et sur l'origine de la joie en liaison avec le "souverain bien" : le "souverain bien" se confond-il avec la joie ? Une joie de quelle nature ? Telles sont les questions auxquelles cette lettre s'efforce de répondre, dès les premières lignes.

Le texte se développe selon un raisonnement clair et structuré. Le style de Descartes (où le latin affleure sous le français) est précis mais subtil.
Descartes se place d'abord devant une difficulté, un "cas" moral, qu'il expose sous la forme d'un dilemme (c'est la première phrase du texte, lignes 1 à 6). Il résout ensuite la difficulté par un raisonnement, dont la nécessité déductive est indiquée au moyen des connecteurs logiques placés au début de chaque phrase : "si", "mais", "c'est pourquoi", "aussi" (lignes 6 à 20). Puis il conclut : "ainsi"... (dernière phrase).

Descartes commence donc sa lettre en évoquant un "doute", sur lequel il a quelquefois réfléchi. Ce "doute" (qui n'a rien à voir avec le doute méthodique) est une question, une difficulté qui prend l'allure d'un dilemme, c'est-à-dire d'une alternative dont les deux termes semblent conduire à une impasse. La première phrase, assez longue, bâtit cette alternative autour de l'opposition entre "imaginer" (l. 2) et "connaître" (l. 5) (qui n'est pas sans rappeler l'opposition cartésienne entre "imaginer" et "concevoir") (3) . Vaut-il mieux pour être heureux "imaginer", c'est-à-dire, comme il précise un peu plus bas, se repaître "de fausses imaginations" (l. 21), ne pas vouloir voir la réalité, ou vaut-il mieux "connaître", c'est-à-dire faire preuve d'un jugement plus pénétrant et attentif, faire preuve de "plus de considération", afin de s'évaluer soi-même en se comparant aux autres, au risque d'être attristé. Faut-il par conséquent fuir la tristesse à tout prix ? Certains hommes, en effet, sont "gais et contents" parce qu'ils surestiment leurs "biens" (l. 2). Cette expression : "bien", prête du reste à confusion. Il s'agit peut-être des biens extérieurs et matériels. Descartes viserait alors ceux qui "construisent des châteaux en Espagne" et qui s'enorgueillissent de croire posséder plus que d'autres. Mais les "biens" auxquels Descartes pense ici, sont surtout ceux qui dépendent de nous (cf. l. 11 : "...les biens, dont l'acquisition dépend de notre libre-arbitre..."), nos qualités intérieures. Descartes constate que la plupart des hommes imaginent leurs qualités personnelles, leur valeur, plus estimable qu'elle ne l'est ; ils se surestiment. C'est en ce sens qu'il écrit ailleurs "qu'il n'y a aucun bien au monde, excepté le bon sens, qu'on puisse absolument nommer bien" (4), et il observe aussi, avec une ironie à peine voilée, que chacun pense être si bien pourvu de raison ou de bon sens, "que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont pas coutume d'en désirer plus qu'ils n'en ont" (5). Par conséquent, Descartes s'interroge sur cette sorte de gaieté un peu sotte, propre aux gens trop vite contents d'eux-mêmes.

La difficulté qu'il soulève est par conséquent la suivante : vaut-il mieux se mentir à soi-même afin d'être gai et tout content des illusions qu'on nourrit, ou bien vaut-il mieux s'estimer soi-même à sa juste valeur, quitte à affronter une certaine tristesse ?

Or Descartes ne paraît pas penser qu'il faille fuir à tout prix la tristesse : "Si je pensais que le souverain bien fût la joie..." (l. 6) ; l'hypothèse laisse entendre qu'il ne l'est pas. Il ne l'est en effet pas toujours. Car il y a façon et façon de se rendre joyeux. La première, que dénonce Descartes, est celle qui va de pair avec le manque de pénétration d'esprit. C'est celle des "brutes", qui trouvent un contentement facile dans les vapeurs du vin ou du pétun (6)... Mais il est clair que Descartes voit dans cette manière de rechercher la joie à travers l'illusion, quelque chose de faux psychologiquement parlant. Une telle joie n'est qu'une gaieté de surface et non un vrai et profond contentement : elle n'est le fait que de ceux "qui noient leurs déplaisirs" (l. 8), c'est-à-dire qui tentent vainement de se tromper eux-mêmes. Elle est en vérité un plaisir éphémère, une joie "médiocre et passagère" (l. 19), qui étourdit l'âme et la trouble en touchant sa "superficie", et cependant laisse subsister entière "l'amertume intérieure" (l. 23), comme si malgré tout on ne pouvait échapper à la connaissance de ce que l'on vaut.

Mais Descartes oppose à cette fausse joie une seconde façon de se rendre joyeux : c'est celle susceptible d'engendrer une vraie "satisfaction d'esprit" (l. 10). "Mais je distingue entre le souverain bien... et la satisfaction d'esprit qui suit de cette acquisition" (l. 9-13). Distinguer ne signifie pas toujours opposer : la satisfaction véritable n'est pas le souverain bien, mais elle le suit nécessairement. Elle en est la conséquence psychologique tout comme la récompense. Pourquoi ? Cela tient à la nature du "souverain bien" : "le souverain bien ...", affirme ici Descartes, "consiste en l'exercice de la vertu". Cette définition pourrait presque paraître neutre, tant elle est traditionnelle. Mais Descartes retrouve ici le sens originel que les romains (et en particulier les philosophes stoïciens) donnaient au mot "vertu" en le rattachant à l'idée de force intérieure, de puissance virile et de réalisation de soi. La vertu en tant qu'elle est essentiellement "exercice", consiste à se réaliser soi-même. Ce que confirme l'équivalence que fait aussitôt Descartes : "ou (ce qui est le même), en la possession de tous les biens, dont l'acquisition dépend de notre libre-arbitre..." (l. 12). Etre vertueux signifie donc : "bien user de sa liberté". Car le libre-arbitre est l'expérience que nous faisons en nous de la liberté, par l'usage de notre volonté. Cette expérience renforce, à mesure qu'elle se répète, la conscience que nous prenons de "ce qui dépend de nous". Elle nous renforce nous-mêmes. La vertu est donc nous-mêmes en tant que nous sommes conscients que notre volonté est libre et que nous agissons avec résolution. Par conséquent, l'exercice de la vertu consiste à acquérir peu à peu toutes les qualités qui ne dépendent que de l'usage libre de nos volontés et ainsi à nous réaliser nous-mêmes. C'est en ce sens que dans le traité Les Passions de l'Ame, Descartes nommera "générosité" la première de toutes les vertus, la définissant comme une "libre disposition de ses volontés" accompagnée d'une "ferme et constante résolution d'en bien user" (7). La vertu est la disposition constante à se réaliser librement par l'usage d'une volonté fermement résolue... et de cela seul suit la "satisfaction d'esprit".

"C'est pourquoi" (l .13) - et ici Descartes résout son doute - il est préférable de connaître la vérité sur soi-même bien plus que de l'ignorer : "c'est une plus grande perfection de connaître la vérité". Car cette vérité est le commencement de la vertu. Chercher à se connaître vraiment, sans occulter ses défauts et ses faiblesses, telle est en effet la condition de notre perfectionnement ; il est donc bien meilleur d'accepter une tristesse momentanée dont la cause serait la connaissance de nos "désavantages", pour substituer à une gaieté "médiocre et passagère" un "contentement" réel et durable. La vraie et profonde satisfaction d'esprit ne peut advenir que de cette force améliorative qui est en nous, et que nous ressentons quand, exerçant notre vertu, nous nous éprouvons nous-mêmes dans notre propre perfectionnement. La parfaite satisfaction que nous éprouvons alors, Descartes la nomme "béatitude", qui n'est autre que la jouissance de la vertu (8).

"Aussi" Descartes précise-t-il la nature plus profonde de ce "contentement" par un trait psychologique d'une grande vérité : le rire et la gaieté ne sont pas "toujours" (l. 16) un signe de satisfaction intérieure. S'ils le sont donc bien quelquefois, il faut aussi avoir la perspicacité de distinguer sous les apparences entre la joie brutale et superficielle et la vraie joie, qui naît du contentement intérieur. Rire n'est pas une fin en soi, et les "grandes joies" que procure l'exercice de la vertu s'accommodent le plus souvent d'un caractère "morne et sérieux". Ceux qui se fient à l'apparence n'y voient qu'une marque de tristesse. Mais l'expérience de la vertu permet de découvrir dans le sérieux le signe d'un "contentement" qui repose entièrement sur une juste estime de soi, juste en ce sens qu'un tel contentement tient le milieu entre l'arrogance des orgueilleux et la bassesse des faibles. La générosité, "qui fait qu'un homme s'estime au plus haut point qu'il se peut légitimement estimer"(9) est certes un contentement de soi mais plein " d'humilité vertueuse " (10).

"Ainsi" Descartes peut-il maintenant répondre à sa question initiale. Faut-il toujours fuir la tristesse ? Le souverain bien consiste-t-il en la joie ? "Je n'approuve point qu'on tâche à se tromper". La vérité sur soi-même est préférable aux fausses illusions. Il faut regarder la vérité en face, quitte à en être attristé. Non qu'il soit préférable d'être triste plutôt que gai et joyeux. Mais une certaine qualité de joie naît d'avoir surmonté l'épreuve de la tristesse. Le souverain bien n'est pas la joie. Le souverain bien est la vertu ; et c'est de la vertu que provient la joie véritable, le contentement intérieur généré par une juste estime de soi.

Quelle leçon pouvons-nous tirer de cette lettre de Descartes ? Elle est adressée à une Princesse en exil. Le revers de fortune qu'elle subit l'entraîne parfois à la tristesse. En cela, elle est moins une Princesse qu'une simple femme. Un être humain, avec sa faiblesse, comme toute autre femme, comme tout autre homme. Comment surmonter la tristesse ? Descartes donne ici une leçon à la fois morale et psychologique : toute joie n'est pas bonne, certains plaisirs sont faux, et il y a une positivité de la tristesse. Celle-ci est le commencement de la vertu. La vertu est la force intérieure, l'effort pour gagner l'estime de soi par la réalisation de ses qualités. Le salut doit venir de soi seul. La béatitude est d'abord un contentement humainement possible, une satisfaction à laquelle chacun peut espérer atteindre en cette vie, ne comptant que sur soi-même. Il suffit de bien user de sa liberté pour surmonter l'épreuve de la tristesse. Manifestement, cette lettre de Descartes appartient au genre que les philosophes stoïciens ont nommé "consolation".

Un historien de la philosophie insistera sur la provenance stoïcienne de cette conception de la béatitude. Avant Descartes, la tradition aristotélo-médiévale avait déjà marqué le lien entre bonheur et vertu. Le bonheur, affirme Aristote, consiste pour l'homme en "une activité de l'âme en accord avec la vertu" (11). Mais il concède que l'homme ne peut être pleinement heureux sans quelque soutien de la fortune. Quant à Saint Thomas, il détermine la béatitude comme la réalisation totale de son essence, l'actualisation de son être en puissance ; mais la béatitude relative de notre expérience terrestre n'est que la préparation de la béatitude absolue et transcendante qu'engendrera la contemplation divine dans notre vie future. La manière originale dont Descartes renoue avec le stoïcisme des Anciens, marque la rupture vis à vis de cette tradition. Pour Descartes, la béatitude ne saurait être le bon-heur, la bonne fortune. La béatitude ne dépend que de nous. Et la béatitude est d'abord à trouver en cette vie par la réalisation de la puissance individuelle. Par cette idée d'une affirmation de l'individualité humaine à travers la puissance de la volonté et l'exercice de la liberté, Descartes est en morale comme en métaphysique le premier grand philosophe de la modernité (12).

Au delà de cet intérêt historique, on pourrait bien sûr discuter à l'infini sur la réelle puissance de la volonté en chacun et sur les possibles limites de notre liberté. La psychologie contemporaine, par souci d'approfondissement, a cru pouvoir découvrir peu à peu en nous tout ce qui ne dépendrait pas de nous. C'est ainsi que nous soignons aujourd'hui nos "dépressions" à coup d'anti-dépresseurs, et nos "névroses" à coup de séances psychanalytiques. Mais cette psychologie des profondeurs, si utile pour la thérapie des maladies, invalide-t-elle pour autant la leçon de contentement que nous donne avec simplicité Descartes ? La simplicité est parfois le signe d'une autre profondeur, celle du bon sens et de la fermeté de jugement. Avant de nous considérer trop vite comme faibles ou malades, avant de nous abandonner à la tristesse ou de tenter de chasser notre mal-être par de faux plaisirs, n'aurions-nous pas quelque perspicacité à retenir la leçon de Descartes, et même peut-être... à la mettre en œuvre ?

Hubert Carron


Notes

1. Il s'agit effectivement de la lettre du 6 octobre 1645, adressée à Elisabeth depuis la ville d'Egmond.
2. cf. la troisième maxime de la morale, dans le Discours de la méthode.
3. cf. Méditations métaphysiques, VI.
4. Lettre à Elisabeth de juin 1645.
5. Discours de la méthode. Première phrase.
6. Pétun : mot brésilien, d'origine portugaise, désignant un tabac assez fort, goûté au XVIIe siècle - le mot, bien entendu, contrairement à ce qu'une étymologie trompeuse pourrait laisser croire, n'a rien à voir avec le "pétard", sorte de bâtonnet rempli de poudre que les gamins mal éduqués font "péter" les soirs de carnaval.
7. Les Passions de l'âme. Art. 153.
8. C'est ainsi que Descartes écrivait déjà à Elisabeth le 18 août 1645 : "...la béatitude n'est pas le souverain bien ; mais elle le présuppose, et elle est le contentement ou la satisfaction d'esprit qui vient de ce qu'on le possède".
9. Les Passions de l'âme. Art. 153.
10. Ibid. Art. 155.
11. Aristote. Ethique à Nicomaque. I,6.
12. On peut se demander si cet autre stoïcien qu'est Spinoza, bien que négateur du libre-arbitre et de l'idée de volonté, n'accomplit pas à son tour la parole de Descartes lorsqu'il définit la béatitude non comme une récompense de la vertu, mais comme la vertu elle-même : "Beatitudo non est virtutis praemium, sed ipsa virtus". Ethique. Livre V ; proposition XLII.


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ahmed horchani

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اصلاح نص دورة المراقبة بكالوريا2010  Empty رد: اصلاح نص دورة المراقبة بكالوريا2010

مُساهمة من طرف ahmed horchani الإثنين يونيو 28, 2010 4:27 pm

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Madame,
Je me suis quelquefois proposé un doute : savoir s'il est mieux d'être content et gai, en imaginant les biens qu'on possède être plus grands et plus estimables qu'ils ne sont, et ignorant ou ne s'arrêtant pas à considérer ceux qui manquent, que d'avoir plus de considération et de savoir, pour connaître la juste valeur des uns et des autres, et qu'on devienne plus triste. Si je pensais que le souverain bien fût la joie, je ne douterais point qu'on ne dût tâcher de se rendre joyeux, à quelque prix que ce pût être, et j'approuverais la brutalité de ceux qui noient leurs déplaisirs dans le vin ou s'étourdissent avec du pétun. Mais je distingue entre le souverain bien, qui consiste en l'exercice de la vertu, ou (ce qui est le même), en la possession de tous les biens, dont l'acquisition dépend de notre libre-arbitre, et la satisfaction d'esprit qui suit de cette acquisition. C'est pourquoi, voyant que c'est une plus grande perfection de connaître la vérité, encore même qu'elle soit à notre désavantage, que l'ignorer, j'avoue qu'il vaut mieux être moins gai et avoir plus de connaissance. Aussi n'est-ce pas toujours lorsqu'on a le plus de gaieté, qu'on a l'esprit plus satisfait ; au contraire, les grandes joies sont ordinairement mornes et sérieuses, et il n'y a que les médiocres et passagères, qui soient accompagnées du ris. Ainsi je n'approuve point qu'on tâche à se tromper, en se repaissant de fausses imaginations ; car tout le plaisir qui en revient, ne peut toucher que la superficie de l'âme, laquelle sent cependant une amertume intérieure, en s'apercevant qu'ils sont faux.


René Descartes, "Lettre à Elisabeth" du 6 octobre 1645



Corrigé

Ce texte est le tout début d'une lettre de Descartes, adressée à la Princesse Elisabeth de Bohème (comme semble (1) le suggérer l'en-tête "Madame"). On sait que l'héritière du trône de Bohème était entrée en correspondance avec Descartes en 1643, après qu'elle ait été chassée de son pays par la guerre de Trente ans et qu'elle se fut exilée en Hollande, où précisément résidait le philosophe. L'échange de lettres se prolongea jusqu'à la mort de Descartes, en 1650 ; il constitue un précieux recueil de pensées touchant les questions de l'union de l'âme et du corps, des passions, du bonheur et de la meilleure voie à suivre pour l'atteindre.

A la Princesse exilée, victime d'un revers du destin, Descartes parle ici du "souverain bien". Dans d'autres lettres, il le nomme aussi "la parfaite félicité", "la satisfaction intérieure", "la plus grande félicité de l'homme", "la souveraine félicité" ou tout simplement "la béatitude" (tout spécialement en référence au De vita beata de Sénèque, dont il conseille à Elisabeth la lecture). Traditionnellement, le "Souverain Bien" désigne la fin dernière de nos actions, et il est assimilé à "la vie heureuse". Il constitue cette fin supérieure à laquelle les actions de la vie des hommes s'efforcent de parvenir (car, aucun homme ne souhaite vivre malheureux). Toute la réflexion morale de Descartes est tournée vers la recherche de ce "souverain bien" et Descartes affirme souvent que le grand dessein de sa morale n'est autre que de se rendre "content" (2). Mais "content" de quoi ? En quoi consiste au juste ce "souverain bien" ? Comment l'atteindre ? Beaucoup le confondent avec la joie et la gaieté, beaucoup demandent au plaisir de le procurer. Aussi Descartes s'interroge-t-il sur le sens et sur l'origine de la joie en liaison avec le "souverain bien" : le "souverain bien" se confond-il avec la joie ? Une joie de quelle nature ? Telles sont les questions auxquelles cette lettre s'efforce de répondre, dès les premières lignes.

Le texte se développe selon un raisonnement clair et structuré. Le style de Descartes (où le latin affleure sous le français) est précis mais subtil.
Descartes se place d'abord devant une difficulté, un "cas" moral, qu'il expose sous la forme d'un dilemme (c'est la première phrase du texte, lignes 1 à 6). Il résout ensuite la difficulté par un raisonnement, dont la nécessité déductive est indiquée au moyen des connecteurs logiques placés au début de chaque phrase : "si", "mais", "c'est pourquoi", "aussi" (lignes 6 à 20). Puis il conclut : "ainsi"... (dernière phrase).

Descartes commence donc sa lettre en évoquant un "doute", sur lequel il a quelquefois réfléchi. Ce "doute" (qui n'a rien à voir avec le doute méthodique) est une question, une difficulté qui prend l'allure d'un dilemme, c'est-à-dire d'une alternative dont les deux termes semblent conduire à une impasse. La première phrase, assez longue, bâtit cette alternative autour de l'opposition entre "imaginer" (l. 2) et "connaître" (l. 5) (qui n'est pas sans rappeler l'opposition cartésienne entre "imaginer" et "concevoir") (3) . Vaut-il mieux pour être heureux "imaginer", c'est-à-dire, comme il précise un peu plus bas, se repaître "de fausses imaginations" (l. 21), ne pas vouloir voir la réalité, ou vaut-il mieux "connaître", c'est-à-dire faire preuve d'un jugement plus pénétrant et attentif, faire preuve de "plus de considération", afin de s'évaluer soi-même en se comparant aux autres, au risque d'être attristé. Faut-il par conséquent fuir la tristesse à tout prix ? Certains hommes, en effet, sont "gais et contents" parce qu'ils surestiment leurs "biens" (l. 2). Cette expression : "bien", prête du reste à confusion. Il s'agit peut-être des biens extérieurs et matériels. Descartes viserait alors ceux qui "construisent des châteaux en Espagne" et qui s'enorgueillissent de croire posséder plus que d'autres. Mais les "biens" auxquels Descartes pense ici, sont surtout ceux qui dépendent de nous (cf. l. 11 : "...les biens, dont l'acquisition dépend de notre libre-arbitre..."), nos qualités intérieures. Descartes constate que la plupart des hommes imaginent leurs qualités personnelles, leur valeur, plus estimable qu'elle ne l'est ; ils se surestiment. C'est en ce sens qu'il écrit ailleurs "qu'il n'y a aucun bien au monde, excepté le bon sens, qu'on puisse absolument nommer bien" (4), et il observe aussi, avec une ironie à peine voilée, que chacun pense être si bien pourvu de raison ou de bon sens, "que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont pas coutume d'en désirer plus qu'ils n'en ont" (5). Par conséquent, Descartes s'interroge sur cette sorte de gaieté un peu sotte, propre aux gens trop vite contents d'eux-mêmes.

La difficulté qu'il soulève est par conséquent la suivante : vaut-il mieux se mentir à soi-même afin d'être gai et tout content des illusions qu'on nourrit, ou bien vaut-il mieux s'estimer soi-même à sa juste valeur, quitte à affronter une certaine tristesse ?

Or Descartes ne paraît pas penser qu'il faille fuir à tout prix la tristesse : "Si je pensais que le souverain bien fût la joie..." (l. 6) ; l'hypothèse laisse entendre qu'il ne l'est pas. Il ne l'est en effet pas toujours. Car il y a façon et façon de se rendre joyeux. La première, que dénonce Descartes, est celle qui va de pair avec le manque de pénétration d'esprit. C'est celle des "brutes", qui trouvent un contentement facile dans les vapeurs du vin ou du pétun (6)... Mais il est clair que Descartes voit dans cette manière de rechercher la joie à travers l'illusion, quelque chose de faux psychologiquement parlant. Une telle joie n'est qu'une gaieté de surface et non un vrai et profond contentement : elle n'est le fait que de ceux "qui noient leurs déplaisirs" (l. 8), c'est-à-dire qui tentent vainement de se tromper eux-mêmes. Elle est en vérité un plaisir éphémère, une joie "médiocre et passagère" (l. 19), qui étourdit l'âme et la trouble en touchant sa "superficie", et cependant laisse subsister entière "l'amertume intérieure" (l. 23), comme si malgré tout on ne pouvait échapper à la connaissance de ce que l'on vaut.

Mais Descartes oppose à cette fausse joie une seconde façon de se rendre joyeux : c'est celle susceptible d'engendrer une vraie "satisfaction d'esprit" (l. 10). "Mais je distingue entre le souverain bien... et la satisfaction d'esprit qui suit de cette acquisition" (l. 9-13). Distinguer ne signifie pas toujours opposer : la satisfaction véritable n'est pas le souverain bien, mais elle le suit nécessairement. Elle en est la conséquence psychologique tout comme la récompense. Pourquoi ? Cela tient à la nature du "souverain bien" : "le souverain bien ...", affirme ici Descartes, "consiste en l'exercice de la vertu". Cette définition pourrait presque paraître neutre, tant elle est traditionnelle. Mais Descartes retrouve ici le sens originel que les romains (et en particulier les philosophes stoïciens) donnaient au mot "vertu" en le rattachant à l'idée de force intérieure, de puissance virile et de réalisation de soi. La vertu en tant qu'elle est essentiellement "exercice", consiste à se réaliser soi-même. Ce que confirme l'équivalence que fait aussitôt Descartes : "ou (ce qui est le même), en la possession de tous les biens, dont l'acquisition dépend de notre libre-arbitre..." (l. 12). Etre vertueux signifie donc : "bien user de sa liberté". Car le libre-arbitre est l'expérience que nous faisons en nous de la liberté, par l'usage de notre volonté. Cette expérience renforce, à mesure qu'elle se répète, la conscience que nous prenons de "ce qui dépend de nous". Elle nous renforce nous-mêmes. La vertu est donc nous-mêmes en tant que nous sommes conscients que notre volonté est libre et que nous agissons avec résolution. Par conséquent, l'exercice de la vertu consiste à acquérir peu à peu toutes les qualités qui ne dépendent que de l'usage libre de nos volontés et ainsi à nous réaliser nous-mêmes. C'est en ce sens que dans le traité Les Passions de l'Ame, Descartes nommera "générosité" la première de toutes les vertus, la définissant comme une "libre disposition de ses volontés" accompagnée d'une "ferme et constante résolution d'en bien user" (7). La vertu est la disposition constante à se réaliser librement par l'usage d'une volonté fermement résolue... et de cela seul suit la "satisfaction d'esprit".

"C'est pourquoi" (l .13) - et ici Descartes résout son doute - il est préférable de connaître la vérité sur soi-même bien plus que de l'ignorer : "c'est une plus grande perfection de connaître la vérité". Car cette vérité est le commencement de la vertu. Chercher à se connaître vraiment, sans occulter ses défauts et ses faiblesses, telle est en effet la condition de notre perfectionnement ; il est donc bien meilleur d'accepter une tristesse momentanée dont la cause serait la connaissance de nos "désavantages", pour substituer à une gaieté "médiocre et passagère" un "contentement" réel et durable. La vraie et profonde satisfaction d'esprit ne peut advenir que de cette force améliorative qui est en nous, et que nous ressentons quand, exerçant notre vertu, nous nous éprouvons nous-mêmes dans notre propre perfectionnement. La parfaite satisfaction que nous éprouvons alors, Descartes la nomme "béatitude", qui n'est autre que la jouissance de la vertu (8).

"Aussi" Descartes précise-t-il la nature plus profonde de ce "contentement" par un trait psychologique d'une grande vérité : le rire et la gaieté ne sont pas "toujours" (l. 16) un signe de satisfaction intérieure. S'ils le sont donc bien quelquefois, il faut aussi avoir la perspicacité de distinguer sous les apparences entre la joie brutale et superficielle et la vraie joie, qui naît du contentement intérieur. Rire n'est pas une fin en soi, et les "grandes joies" que procure l'exercice de la vertu s'accommodent le plus souvent d'un caractère "morne et sérieux". Ceux qui se fient à l'apparence n'y voient qu'une marque de tristesse. Mais l'expérience de la vertu permet de découvrir dans le sérieux le signe d'un "contentement" qui repose entièrement sur une juste estime de soi, juste en ce sens qu'un tel contentement tient le milieu entre l'arrogance des orgueilleux et la bassesse des faibles. La générosité, "qui fait qu'un homme s'estime au plus haut point qu'il se peut légitimement estimer"(9) est certes un contentement de soi mais plein " d'humilité vertueuse " (10).

"Ainsi" Descartes peut-il maintenant répondre à sa question initiale. Faut-il toujours fuir la tristesse ? Le souverain bien consiste-t-il en la joie ? "Je n'approuve point qu'on tâche à se tromper". La vérité sur soi-même est préférable aux fausses illusions. Il faut regarder la vérité en face, quitte à en être attristé. Non qu'il soit préférable d'être triste plutôt que gai et joyeux. Mais une certaine qualité de joie naît d'avoir surmonté l'épreuve de la tristesse. Le souverain bien n'est pas la joie. Le souverain bien est la vertu ; et c'est de la vertu que provient la joie véritable, le contentement intérieur généré par une juste estime de soi.

Quelle leçon pouvons-nous tirer de cette lettre de Descartes ? Elle est adressée à une Princesse en exil. Le revers de fortune qu'elle subit l'entraîne parfois à la tristesse. En cela, elle est moins une Princesse qu'une simple femme. Un être humain, avec sa faiblesse, comme toute autre femme, comme tout autre homme. Comment surmonter la tristesse ? Descartes donne ici une leçon à la fois morale et psychologique : toute joie n'est pas bonne, certains plaisirs sont faux, et il y a une positivité de la tristesse. Celle-ci est le commencement de la vertu. La vertu est la force intérieure, l'effort pour gagner l'estime de soi par la réalisation de ses qualités. Le salut doit venir de soi seul. La béatitude est d'abord un contentement humainement possible, une satisfaction à laquelle chacun peut espérer atteindre en cette vie, ne comptant que sur soi-même. Il suffit de bien user de sa liberté pour surmonter l'épreuve de la tristesse. Manifestement, cette lettre de Descartes appartient au genre que les philosophes stoïciens ont nommé "consolation".

Un historien de la philosophie insistera sur la provenance stoïcienne de cette conception de la béatitude. Avant Descartes, la tradition aristotélo-médiévale avait déjà marqué le lien entre bonheur et vertu. Le bonheur, affirme Aristote, consiste pour l'homme en "une activité de l'âme en accord avec la vertu" (11). Mais il concède que l'homme ne peut être pleinement heureux sans quelque soutien de la fortune. Quant à Saint Thomas, il détermine la béatitude comme la réalisation totale de son essence, l'actualisation de son être en puissance ; mais la béatitude relative de notre expérience terrestre n'est que la préparation de la béatitude absolue et transcendante qu'engendrera la contemplation divine dans notre vie future. La manière originale dont Descartes renoue avec le stoïcisme des Anciens, marque la rupture vis à vis de cette tradition. Pour Descartes, la béatitude ne saurait être le bon-heur, la bonne fortune. La béatitude ne dépend que de nous. Et la béatitude est d'abord à trouver en cette vie par la réalisation de la puissance individuelle. Par cette idée d'une affirmation de l'individualité humaine à travers la puissance de la volonté et l'exercice de la liberté, Descartes est en morale comme en métaphysique le premier grand philosophe de la modernité (12).

Au delà de cet intérêt historique, on pourrait bien sûr discuter à l'infini sur la réelle puissance de la volonté en chacun et sur les possibles limites de notre liberté. La psychologie contemporaine, par souci d'approfondissement, a cru pouvoir découvrir peu à peu en nous tout ce qui ne dépendrait pas de nous. C'est ainsi que nous soignons aujourd'hui nos "dépressions" à coup d'anti-dépresseurs, et nos "névroses" à coup de séances psychanalytiques. Mais cette psychologie des profondeurs, si utile pour la thérapie des maladies, invalide-t-elle pour autant la leçon de contentement que nous donne avec simplicité Descartes ? La simplicité est parfois le signe d'une autre profondeur, celle du bon sens et de la fermeté de jugement. Avant de nous considérer trop vite comme faibles ou malades, avant de nous abandonner à la tristesse ou de tenter de chasser notre mal-être par de faux plaisirs, n'aurions-nous pas quelque perspicacité à retenir la leçon de Descartes, et même peut-être... à la mettre en œuvre ?

Hubert Carron


Notes

1. Il s'agit effectivement de la lettre du 6 octobre 1645, adressée à Elisabeth depuis la ville d'Egmond.
2. cf. la troisième maxime de la morale, dans le Discours de la méthode.
3. cf. Méditations métaphysiques, VI.
4. Lettre à Elisabeth de juin 1645.
5. Discours de la méthode. Première phrase.
6. Pétun : mot brésilien, d'origine portugaise, désignant un tabac assez fort, goûté au XVIIe siècle - le mot, bien entendu, contrairement à ce qu'une étymologie trompeuse pourrait laisser croire, n'a rien à voir avec le "pétard", sorte de bâtonnet rempli de poudre que les gamins mal éduqués font "péter" les soirs de carnaval.
7. Les Passions de l'âme. Art. 153.
8. C'est ainsi que Descartes écrivait déjà à Elisabeth le 18 août 1645 : "...la béatitude n'est pas le souverain bien ; mais elle le présuppose, et elle est le contentement ou la satisfaction d'esprit qui vient de ce qu'on le possède".
9. Les Passions de l'âme. Art. 153.
10. Ibid. Art. 155.
11. Aristote. Ethique à Nicomaque. I,6.
12. On peut se demander si cet autre stoïcien qu'est Spinoza, bien que négateur du libre-arbitre et de l'idée de volonté, n'accomplit pas à son tour la parole de Descartes lorsqu'il définit la béatitude non comme une récompense de la vertu, mais comme la vertu elle-même : "Beatitudo non est virtutis praemium, sed ipsa virtus". Ethique. Livre V ; proposition XLII.


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